Anna sourit et range enfin son portable dans son sac et tente de se reconcentrer sur le cours ennuyeux que lui offre l’économie et les lubies de son père. Elle soupire et finit par s’amuser à enrouler ses cheveux autour de son crayon plutôt que prendre des notes, elle chiperait le cours de quelqu’un voilà tout. Elle espère vaguement entendre son portable vibrer de nouveau la prévenant qu’un de ses abonnés a posté un nouveau tweet et qu’elle va pouvoir commenter quoique ce soit, même la phrase la plus idiote malheureusement, personne ne semble être sur son compte twitter et d’un côté, à quinze heures c’est on ne plus normal puisque étant un mardi après-midi, la plupart des étudiants ont cours ou bossent à la BU. Anna soupire et se met à penser à ce soir. Elle a pensé appeler Nate parce qu’elle est définitivement en manque – et s’écœure elle-même d’avoir un comportement de groupie – mais le rendez-vous avec Harrison tomber à pic et lui évite certainement de faire encore une connerie ou de piétiner sa fierté. Si le brun savait, il aurait forcément été fier de lui puisque la plupart du temps, il tentait d’éviter qu’elle fasse une bêtise. Elle réfléchit vaguement à sa relation avec Harrison, c’est un de ses plus vieux amis et elle l’adore mais… Il ne comprend ce qu’elle ressent, le besoin constant de se sentir en vie pour apprécier ce cadeau qu’est de pouvoir respirer ne serait-ce qu’une seconde de plus. Mike n’a plus cette chance lui. Et le seul moyen qu’elle a trouvé pour se sentir en vie est de risquer de la perdre à tout moment. On n’apprécie jamais autant le soleil ou le goût du chocolat ou l’odeur du gazon tondu qu’après failli ne plus pouvoir en profiter. Parfois, il l’emmerde royalement et elle se dit qu’il serait bien plus simple de l’envoyer se faire foutre pour de bon. Mais elle ne le fera pas.

Finalement le cours se termine et Anna s’enfuie presque en courant parce qu’elle vomit ces graphiques et courbes et son père peut carrément aller se faire mettre s’il pense qu’elle reprendra un jour son entreprise familiale. Plutôt mourir. Sur le chemin du retour, elle croise Beverly et un groupe d’alphas et elles finissent par atterrir dans le parc où elles se prélassent entre filles, parlant de tout et de rien. Elles décident même de manger ensemble le soir même et après avoir discuté du nouveau prof sexy de mathématiques – où Anna se fait étonnamment discrète et essaie de ne pas crisser des dents quand Beverly parle de le séduire – de la prochaine fête des alphas – toutes les attentions se tournent vers la brune qui est vice présidente de la sororité – et d’autres banalités comme la dernière série en vogue, la robe de telle actrice, les nouveaux bizuts, les programmes pour renflouer un peu les caisses de la confrérie et plein d’autres trucs qui les font parfois rire jusqu’à en pleurer, les filles décident de manger toutes ensembles. Vers 20 heures, après avoir passé un casse-tête fini pour tout noter, deux d’entre elles vont chercher de quoi manger au fast-food le plus près. Pendant ce temps, Silver et les autres s’installent dans un coin du salon alpha et continuent de discuter. Finalement, le dîner est servi et Lynn mange ce qu’elle appelle généralement de la malbouffe mais ce soir elle ne s’en plaint pas trop. « Je cale, j’ai plus faim. » « Tu me passes tes frites ? » La blonde hoche la tête et lui tend le sachet. « C’est pas toi qui crie normalement contre ce genre de restauration et qui prend toujours une salade quand on y mange ? Et là, frites plus hamburger, tu nous fais quoi ma belle ? » Anna sourit et avale poliment sa gorgée avant de boire un peu d’eau. « Je sais mais je mangerais léger demain et après-demain, ce soir j’ai besoin de trucs qui tiennent au corps. » « Où tu sors et surtout avec qui ? » « Je vais au B.I.T. Je dois retrouver Harrison pour défendre mon honneur et aussi celui des alphas. » « C’est un gamma non ? Je suis pas sûre de voir qui c’est. » Après s’être essuyée les mains, Anna surfe sur son portable et finit par afficher le compte twitter de son ami. Les autres filles se penchent pour voir. « Il est canon, c’est plus qu’un concours de beuverie ou ? » « Pollypocket ? » « Fais pas attention, c’est un con. Un con ami. Seulement ami. On se connaît depuis qu’on est gosse, coucher avec lui ce serait presque baiser mes souvenirs de winnie l’ourson. » Les filles rigolent et Anna finit de manger avant de s’excuser et d’aller se changer. Quand elle revient, elle porte un short en denim noir avec un haut à paillettes dorées qui ne laisse pas beaucoup de place à l’imagination. « Toujours sûre que t’as pas un faible pour winnie l’ourson ? » « Certaine. Mais quand il finira dans le caniveau, totalement bourré et que j’aurais pris de quoi le faire chier pour au moins un an j’irais certainement m’amuser un peu. » Elle leur fait un clin d’œil et sort de la résidence. Elle monte dans sa voiture et fait le chemin jusqu’au B.I.T. en écoutant le dernier tube de Clarkson. Quand elle arrive, elle s’installe au bar et Jayden arrive. « Hey Jay’, ça va ? Je peux avoir de shooters et de la tequila. Pure, laisse carrément la bouteille. » Elle sourit et sort son portable pour envoyer un message. Elle regarde l’heure, presque vingt-deux heures. Que la partie commence.

« Pocahontas sérieusement ? » La jeune femme se retourne vers son ami tout en haussant un de ses sourcils parfaitement dessinés. Elle entend Jayden murmuré un vague ‘je vous laisse’ et ils se retrouvent seuls – quoiqu’entourés d’une vingtaine de personnes assez paradoxal – avec une bouteille de tequila qui ne sera certainement pas la dernière de la soirée. Elle pousse un shooter vers Harrison et garde l’autre pour elle, plaçant la bouteille entre eux deux. « Tes références pourraient presque me faire pitié mais tu me connais assez pour savoir que ce n’est pas un sentiment que j’expérimente tous les trois quatre matins. Et je n’en aurais certainement aucune pour toi en te laissant décuver dans la rue, seul. » Elle le gratifie d’un sourire avant de pousser la bouteille vers lui. « Allez, montre-toi galant et sers nous un verre avant que je m’endorme. » De loin, on peut très certainement penser que les deux étudiants ne s’apprécient pas énormément vu leurs manies de se lancer des piques mais eux deux savent très bien que c’est faux – quoiqu’Anna-Lynn apprécie tout de même de lui mettre la honte quand elle le peut ne pardonnant pas à son ami d’enfance qu’il ne comprenne pas son attitude, rancunière comme fille – et que c’est leur manière de s’apprécier. Il faut dire que tous les deux ont un fort caractère, chieurs sur les bords, un avis tranché sur beaucoup de choses et parfois, un peu trop d’œillères. Le fait qu’ils se connaissent depuis l’enfance joue aussi sur leur comportement, ils n’en sont plus à se vexer pour la première insulte, ils ont passé ce stade depuis longtemps. D’ailleurs, Silver n’est pas certaine qu’ils pourraient faire autre chose concernant leur amitié. C’est un garçon et les garçons ne sont pas là étaler leurs problèmes, ils gardent plutôt ça pour eux, les discussions à cœur ouvert, ce n’est pas leur truc et ce n’est clairement pas le truc de Lynn qui porte un masque quatre-vingt dix-neuf pour cent du temps parce que c’est beaucoup moins fatiguant que d’essuyer les questions du genre « pourquoi ça va pas ? » Aussi, parler de tout et de rien semble être exclus chez eux, Anna n’aimerait pas lui dire qu’elle ne va pas bien même si elle adore Harrison. Lancer une conversation neutre comporte des risques puisque par exemple, Harri’ croit à ses stupides légendes urbaines et pas elle…

« Ah au fait, d’après les rumeurs qui court et je n’irais pas les remettre en cause, pour une fois, il paraîtrait que les Gammas aient fait une fête cette nuit. » Anna lui lance un regard entendu et se tourne complètement, appuyant son dos contre le bar, penchant légèrement la tête en arrière. Elle regarde vaguement autour d’elle, ne voyant plus qu’Harrison que du coin de l’œil. Ses yeux se posent sur un homme, elle lui donne la quarantaine, à peine. Elle est presque sûre de pouvoir établir le portrait de cet homme : marié, deux enfants, peut-être un chien qu’il déteste, tout à fait enclin à pouvoir tromper son épouse comme le léger signe de tête qu’il lui offre en levant son verre lui montre. Elle soupire et se retourne aussitôt, dans un coup de jambe expert. « Est-ce que t’es seulement remis de la gueule de bois que tu as dû avoir ou est-ce que tu étais bourré quand ont parlait sur twitter ? Dans tous les cas, tu me facilites la tâche. » Un nouveau sourire, condescendant cette fois, Anna est une fille des plus prétentieuses, elle attrape son verre et va pour porter un toast quand un martini à la pomme atterri sous son nez. Elle ouvre les yeux presque exagérément et lance un regard surpris au serveur devant lui. « De la part du type là-bas. » Il lui désigne d’un coup de tête l’homme de tout à l’heure. Elle pince les lèvres, persuadée qu’il est marié et n’étant pas une grande fan de ce genre de personnes qui lui rappellent son père, elle empoigne repose son shoot, attrape le martini. « Bouge pas je reviens. » Elle s’avance jusqu’à la table et pose fortement la coupe. Elle murmure quelques mots à l’homme et revient. Quand elle se rassoit, elle lance à Harrison « Je lui ai dit qu’on sortait ensemble et que tu étais médaille d’or en boxe aux championnats de l’état, s’il vient tester, ne fais pas honte s’il te plait. » Elle reprend sa précieuse téquila et lève son verre. « Aux types mariés qui trompent leurs femmes, à mon connard de père, à nous deux et ta médaille d’or et surtout, à ta future défaite. » Elle fait claquer son verre contre celui du brun et avale le tout. Elle sent l’alcool lui brûler la gorge et la sensation de chaleur qui se répand en elle lui fait un bien fou. Elle ne perdrait pas ce soir.