GOODBYE ENGLAND.

Assise face à mon piano, je tentais – tant bien que mal – de jouer les notes écrites sur ma feuille de musique. Mais je n’y arrivais pas. Quelques heures plus tôt, mes parents m’avaient annoncés que nous allions quitter Londres, pour la Caroline du Sud. Je n’avais que douze ans mais cela me perturbait grandement. Puis, c’est où la Caroline du Sud? Je m’éloignais de mon piano, le regard dans le vague. Ce n’était pas du tout dans mes habitudes. J’adorais jouer du piano, et cela depuis toute petite. « Ana, viens me voir s’il te plait. » La voix de ma mère provenait du bout du couloir, là où elle se tenait en attendant que je vienne la revoir. Nous avions rejoint mon père dans le salon. Ils passèrent tous les deux une vingtaine de minutes à m’expliquer pourquoi ils avaient décidés qu’il serait mieux pour nous de fouler le sol américain. Soit disant, nous aurions une meilleure qualité de vie. Pourtant, je n’avais pas l’impression de manquer de quoi que ce soit. Etant enfant unique, mes parents avaient toujours pris soin de m’offrir les éléments que je désirai. L’avantage d’être enfant unique, dirons-nous. Néanmoins, mes parents voulaient absolument quitter l’Angleterre, d’autant plus que mon père était américain. Les inconvénients d’avoir des parents de différentes origines. J’aurais préféré quitter Londres pour une destination plus exotique, mais c’était ainsi, je n’avais pas le choix. Je quittais le salon pour retourner dans ma chambre, et commencer à rassembler mes affaires. L’été se finissait bientôt, et nous devions être sur place avant la rentrée des classes. J’étais heureuse dans notre petit appartement. J’avais des amis que je connaissais depuis ma naissance, j’avais de quoi dessiner, de jouer du piano. Mes du haut de mes douze ans, je n’y comprenais encore rien. J’aurais sûrement réalisé plus tard que j’aurais eu besoin de plus que ce que j’avais à l’heure actuelle. Londres me faisait plus rêver que n’importe quelle autre ville. Alors, que demander de plus? C’est avec une grande amertume que je commençais à faire le tri dans mes vêtements, une fin d’après midi d’août 2002.

GOOD MORNING SOUTH CAROLINA.

« Tu connais pas la légende urbaine? » Enora mordait dans une feuille de salade, les yeux ronds. Comme nous étions toutes les deux végétariennes, je ne souffrais pas à la vue d’un steak bien saignant. Elle semblait limite outrée que je n’eus jamais vent de cette histoire. Mais de quoi elle parlait? Je lui demandais donc de m’expliquer qu’elle était donc cette fameuse légende. Elle semblait emballer et convaincue que le tueur existait vraiment. Le fou qui venait de rentrer dans le restaurant n’était donc visiblement pas le seul. Je vivais ici depuis dix ans maintenant, mais je n’en avais jamais entendu parler. Sûrement parce que je ne me soucie pas de ce genre de futilités, à l’inverse de ma meilleure amie. Nous avions de nombreux points communs, il ne faut pas croire! Mais croire à cette légende ou avoir une voix angélique n’en faisait pas partie. J’avais la pire voix du monde quand il s’agissait de chanter, mais je me foutais royalement de ce que les gens pouvaient penser. J’adorais chanter, et rien au monde ne m’empêcherait. Si vous êtes chanceux, un jour, je vous ferais un concert privé sous la douche. Apparemment, beaucoup de personnes y croyaient. Pour être honnête, je fus surprise de l’apprendre. Comment des personnes totalement équilibrés pouvaient y croire? C’est totalement stupide. Je finissais ma salade assez rapidement. Il fallait que j’aille en cours. Grâce à ma mère, j’avais poursuivis une voix artistique. Mon père aurait voulu que je devienne journaliste, avocate ou publiciste, mais ce n’était pas ce dont je rêvais. J’avais la fibre artistique, c’était indéniable. Je jouais parfaitement bien du piano depuis ma plus tendre enfance, je peignais et dessinais tout aussi bien, et j’étais douée en sculpture. Je ne pouvais donc pas gâcher ces talents en faisant carrière depuis un bureau. Je n’étais pas sûre de devenir célèbre un jour, ou de vivre correctement de mes passions. Cela devenait difficile de nos jours. Mais l’université de Clemson était là, et faite pour moi. J’étudiais donc la peinture et la sculpture. J’avais besoin d’apprendre, encore et toujours. J’étais ambitieuse, et motivée. Je me souciais peu de passer des heures devant une toile ou devant de l’argile. Quand il s’agissait d’apprendre, le temps ne comptait plus. On pouvait voir cela comme un avantage, ou un inconvénient. Cela dépend du point de vue des gens, hein. Mais je ne fais pas peur, je suis toute mignonne, et sociable. Je vais beaucoup vers les gens. Si je pense qu’une personne peut être intéressante, je ne vois pas pourquoi attendre le cul sur une chaise que celle-ci vienne à moi. Cela valait pour les hommes aussi, évidemment. Nous quittions le restaurant en direction de nos salles de classes respectives. Nous n’étudions pas la même chose, donc cela nous faisait du bien de nous voir en tête à tête de temps en temps. J’embrassais Enora puis rejoignais mon casier. Les cours de l’heure précédente se terminaient à l’instant. Je fouillais vivement dans mon casier afin de trouver ce fichu papier qui allait me servir dans mon cours de peinture. Ce n’était pas un papier important, mais je ne voulais pas arriver sans. Je soupirais en ressortant ma tête de la boîte métallique. Un souffle chaud venait de frôler la peau de mon cou, et une voix assez grave vint à mes oreilles. « Tu fais quoi ce soir? » me demanda-t-il, avec une voix faussement dragueuse. C’était Hunter. Je rigolais évidemment face à son petit jeu, tout en me retournant. Je pris un air malicieux, j’avais envie de jouer moi aussi. « Si tu veux savoir, je vois un autre que toi. » L’amusement et la malice sur mon visage pouvaient se voir. C’était bien sûr faux, mais j’adorais le taquiner, le rendre jaloux. « J’espère que tu vas bien baiser alors. » Je fronçais les sourcils, puis rigolais en grimaçant. Voilà, il était vexé. « Arrête de râler et de faire le jaloux, je vois personne. » Ajoutais-je en me retournant pour attraper ma trousse, dans mon casier. Je lui faisais de nouveau face, mais il n’avait plus envie de rire, visiblement. « Ouais. Finalement, je sais plus si j’ai envie de te voir. » Je le regardais s’éloigner sans rien dire. Notre relation était comme ça. On aimait passer du temps ensemble, s’amuser, délirer, fumer de temps en temps, prendre du bon temps. Il y avait aussi un jeu de séduction. Mais rien de sentimental, d’amoureux. Lui était un coureur de jupons, et moi, je n’avais pas spécialement envie de me poser. Pour l’instant du moins. J’avais eu de bonnes, comme de mauvaises relations amoureuses. J’en avais eu deux assez longues, et de nombreuses courtes. Mais pour l’instant, je voulais profiter. Avec Hunter. Même si c’est un chieur, même si il m’envoie souvent bouler, j’aime les choses telles qu’elles sont. Je refermais mon casier. J’aurais pu le rattraper. J’aurais pu. Mais je ne voulais pas être en retard.