« Alors comme ça, la chenille quitte le nid, le papillon prend son envol. » Souriant, je pris mon petit frère dans mes bras, laissant de côté les valises que j’étais en train de préparer quelques minutes plus tôt. J’avais dix-neuf ans quand je quittais la maison de ma tante pour aller m’installer avec Daniel. Alex avait alors quatorze ans à l’époque et cela me faisait mal de l’abandonner en quelque sorte. Bon bien sûr, suite au décès de ma mère, il y avait toujours ma tante mais, ce n’était pas pareil, j’étais devenue comme une seconde mère pour lui et partir de la maison me faisait quelque peu souffrir. Ah oui, je ne vous ai pas raconté cela ?! Le premier tourment arriva alors que j’avais cinq ans et demi. Ma mère tomba enceinte pour la seconde fois. Elle avait rencontré quelqu’un il y avait deux ans et cette fois-ci, elle était folle amoureuse de lui. J’avais pris l’habitude de voir cet homme à la maison, je l’appréciais, il était gentil, grand, protecteur, je l’ai toujours considéré comme mon père bien qu’il n’y était pas. Quand ma mère m’apprit que j’allais avoir un petit frère, je fis la tête au début, un peu contrariée de ne plus être la seule à être chouchouter or, quand il pointa le bout de son nez… Ce fut le coup de foudre. Sans déconner, il était trop parfait mon petit frère, Alexander Da Silva. Je l’ai toujours surprotégé, on était inséparable, presque comme des jumeaux malgré notre différence d’âge. Ma mère était toujours malade, j’appris que c’était un cancer par la suite et, bien qu’elle s’est battue comme une folle pour combattre la maladie, ce putain de cancer finit par l’emporter. J’avais quinze ans, mon frère dix et on fut très touché par cette disparition. Pendant plusieurs jours, nous étions restés avec Ryan, le père d’Alex, mon beau-père mais très vite, les choses prirent un autre tournant. Ryan n’arrivait à rester en Australie après la mort de la femme de sa vie, je ne comprenais pas pourtant il devait nous abandonner. Il ne se sentait pas à la hauteur, pas prêt à s’occuper de deux adolescents. Nous avions été placés chez ma tante, Maria, la seule famille qui nous restait. On s’entendait à merveille bien que le deuil fut dur à faire. On se serrait les coudes mutuellement pour remonter la pente et, c’est ce que nous avions réussi à faire. « On dirait maman. » Ajoutais-je d’une voix tremblante les yeux brillants, prête à craquer une nouvelle fois suite à ces pensées. J’étais forte en apparence mais dans le fond, bien trop sensible. Mon frère sourit en me serrant un peu plus contre lui avant de se reculer en me faisant tourner sur moi-même. Il me contempla en silence pendant plusieurs minutes avant d’en conclure : « Tu lui ressembles comme deux gouttes d’eau, elle serait tellement fière de toi. » Notre mère a toujours été très fière de nous. Elle nous a toujours soutenu, encouragé à poursuivre nos rêves, le sport pour mon frère, la musique pour moi. « Tu… Tu seras toujours mon petit frère Alex, tu compteras toujours plus que n’importe qui. » J’avais peur qu’il m’en veuille, qu’il pense perdre de nouveau quelqu’un alors que j’étais là, que je serais toujours présente pour lui. Il se mit à rire en m’aidant à terminer mes bagages alors que je m’emparais d’un mouchoir pour sécher ses quelques gouttes d’eau qui avaient réussi à se frayer un chemin jusqu’à mes joues. « Arrêtes de te torturer comme ça Lullaby, je vais bien. Nous allons bien. Tu viens de te marier, tu vas rentrer à l’université, t’assurer un futur on ne peut plus parfait. Tout est parfait, toi y compris. » Alex était la personne vivante que j’admirais le plus. Il était autant un modèle pour moi que je l’étais pour lui et quoi qu’il arrive, je sais qu’il compterait toujours plus que n’importe qui. La famille, il n’y a rien de plus important. Ce jour, je fis mes au revoir à ma tante, à mon frère pour écrire une nouvelle page de ma vie avec Daniel et je peux vous dire que j’en ai versé des larmes et des souvenirs.

« Fais tes valises, j’ai décroché un nouveau post. » J’entrais chez ma tante alors qu’elle s’était absentée pour la semaine. Je lui avais lancé un coup de téléphone quelques jours plus tôt pour lui annoncer que j’embarquais Alex avec moi, en lui promettant qu’on lui rentrait visite pendant les vacances. Alex n’était au courant de rien, je l’avais pas encore prévenu mais, mes valises étaient faites, dans la voiture, j’étais fin prête à partir à un détail près, j’avais besoin de lui pour continuer. J’étais assez fière de lui dire qu’on s’envolait pour l’Amérique, pour la Caroline du Sud plus particulièrement parce que j’avais décroché un post en tant que professeur de musique dans une université. La musique avait toujours été une passion, au départ je souhaitai devenir musicienne, j’écrivais mes propres chansons, chantais et jouais de la guitare comme de la basse ou encore de la batterie. Enfin bref, j’étais toujours excitée à l’idée de partir alors que mon frère me dévisagea bizarrement en demandant : « Non mais t’es folle ! Tu veux partir maintenant, comme ça, sur un coup de tête ? Toute notre vie est ici Lullaby. » C’est vrai qu’il n’avait connu que l’Australie et je dois dire qu’à part l’Italie, je n’avais que très peu voyagé également mais, ce n’était pas une raison. Je pouvais trouver du travail ici si je le souhaitais or, j’avais besoin de prendre du recul, d’oublier tout simplement. Je e dirigeais vers la fenêtre de sa chambre et m’asseyais sur le rebord en soupirant, préférant éviter son regard tout triste et rempli de pitié suite à ce que j’allais lui dire. « Maman et Daniel sont ici Alex, j’ai besoin de partir, de tourner la page tu comprends ? J’ai besoin de toi alors je t’en prie, pars avec moi. » Cela faisait trois ans exactement pour Daniel et plus de dix pour ma mère et pourtant, c’était toujours aussi dur pour moi bien que je le cache, bien que je fais croire à tout le monde que c’est du passé et que j’ai réussi à remonter à la surface. Je voulais vraiment partir pour une nouvelle vie suite à tout ce que j’avais traversé ici, tout ce que nous avions traversé ici. Je savais qu’être séparer d’Alexander était impossible et qu’il pouvait parfaitement me comprendre en un seul regard alors, quand il commença sa phrase : « C’était il y a…. » Je me précipitais pour l’interrompre tout en me relevant et en lui faisant face. « Longtemps ? Je sais mais ça fait toujours aussi mal… Je m’en rappelle comme si c’était hier. » Non, je n’avais pas tourné la page. Oui, j’étais sortie avec d’autres hommes pendant ces dernières années mais, jamais je ne les avais aimé, c’était juste un passe-temps, quelque chose pour oublier l’homme que j’aimais et qui malheureusement était défunt en ce jour. Je me détruisais toute seule en faisant une croix sur l’amour, c’est ce quelqu’un m’avait expliqué il y avait quelques semaines, ce quelqu’un m’avait dit de tourner la page, de me reprendre en main et de croire en moi, de revenir Lullaby et non une copie conforme de celle que j’étais dans le passé. Cette personne… « Et Drake ? » Cette personne c’était lui. Ce prénom me fit frissonner, mon cœur entreprit un looping dans ma poitrine. J’entrouvris la bouche pour m’exprimer mais, les mots ne vinrent pas de suite. Drake avait toujours compté pour moi et, une partie de mon amour il appartenait et cela bien avant que je sois mariée avec son frère jumeau. Il comptait tout autant que lui, il avait toujours cette facilité à me remonter le moral tout en étant plus que méprisant, manipulateur et méchant à mon égard. Cette partie de lui m’attirait mais, c’est sa douceur ou même sa sensibilité qui avait réussi à me toucher également. Cette double facette, cette ressemblance, il était différent de son frère mais dans le fond, ils se ressemblaient plus qu’ils ne le laissaient paraitre. Bien sûr que je l’aimais, je l’aimais bizarrement mais, je n’avais pas le droit. Tout d’abord pour Daniel puis pour tout ce que je lui avais fait, il méritait mieux, il méritait d’être heureux bien qu’il ne veuille s’attacher à quelqu’un. Je savais qu’il était capable d’aimer. « Il… Il n’a pas besoin de le savoir. » Je n’avais pas envie de lui briser le cœur, je n’avais pas envie de lui dire adieux alors, je préférais partir sans le prévenir. C’est ce que j’en conclue quand ces mots sortir seuls d’entre mes lèvres sans que je ne puisse les contrôler. Le lendemain, nous étions en Caroline du Sud. Quelques jours après, mon frère intégra l’université de Clemson et je commençais mon nouveau job. J’étais une professeur de musique plutôt cool, je n’engueulais jamais mes élèves, j’essayais de les intéresser tout en laissant parler leur imagination. Je ne parlais pas de la musique mais plutôt de ma passion, avec mon cœur et c’est pour cela que j’arrivais à avoir leur attention. Ces gosses sont vraiment géniaux tous autant les uns que les autres seulement, il faut se montrer patiente, cool, détendue, à l’écoute et amusante. J’adore ma nouvelle vie en Caroline du Sud.